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La vie ordinaire de prof en ZEP
25 juin 2013

Mes TL et l'épreuve d'histoire géo

Mardi 18 juin... Pas le jour de l'Appel, mais le jour du bac. Le jour J, comme auraient dit mes élèves. Un peu fébrile, ils ne savent pas trop à quoi s'attendre : nouveau programme, nouvelles épreuves. Tous sont équipés : ils ont leurs crayons de couleur - sait-on jamais, s'ils devaient réaliser un croquis, et j'ai mis d'office une deuxième copie sur leur table, en dépit des protestations du collègue de maths chargé de les surveiller - "c'est du gâchis, s'ils ne l'utilisent pas!", alors qu'ils n'ont pas le choix, à moins de cinq pages de copie de bac, je les étrangle à leur sortie. En effet, je les attends de pied ferme dans le couloir : je ne suis pas de surveillance dans les salles, je suis juste là pour relire les sujets au cas où il y aurait une coquille. 

8h. Distribution des sujets. Première partie, composition de géo. D'où une deuxième partie, étude critique de document d'histoire. Et même, de deux documents. Sur la France : la mise en place de l'Etat Providence à la Libération et sa remise en cause par Chirac en 1986. Rien de très difficile. A ceci près que c'est un exercice que mes TL savent ne pas complètement maîtriser. Panique à bord. Certains sont à la limite de la crise de tétanie : une de mes collègues sort d'une des salles et m'assaille : "tu ne peux pas venir les rassurer un peu, parce que là, ils sont prêts à partir!!!". Ouh la la... J'y vais donc, et pèse chacun de mes mots, pour qu'on ne puisse pas me reprocher d'avoir aidé mes élèves. Je leur dis de respirer un bon coup, de bien lire les sujets, en particulier les textes, de lire et relire la consigne, et de FAIRE les deux parties, IMPERATIVEMENT. Qu'ils en sont capables, quoi qu'ils en pensent. Et que certes, le dernier entraînement n'a pas été fameux, mais que c'est le principe d'un entraînement : un sprinter ne fait pas le 100m en moins de 10 secondes à chaque fois, non? J'ai joué à la maman, quoi. Même si j'ai appris par la suite que le collègue de maths - encore lui - a signalé que j'étais intervenue en début d'épreuve. Fort heureusement, la chef lui a gentiment répliqué que c'était dans l'intérêt des élèves et dans le respect de toutes les règles déontologiques. Louée soit-elle. 

Bref, quelques heures plus tard, trois au minimum, - et le plus souvent presque quatre, voire cinq heures vingt pour l'élève qui avait droit au tiers temps, et qui ô miracle, l'a utilisé, lui qui est parti au bout de deux heures la veille en philo - mes TL sortent. A une exception près ("madame, j'ai pas fini, ça m'a trop énervé". Passons), ils ont tous été relativement satisfaits de ce qu'ils ont produit. Et ont avoué s'être attendus à tellement pire, qu'au bout de compte, ils ont composé relativement sereinement une fois la panique initiale dépassée.

Et aujourd'hui, des amis me font suivre divers liens vers des articles sur internet qui critiquent ces sujets, en les déclarant infaisables et/ou incohérents avec les programmes. Ah bon? Je ne dois vraiment rien avoir compris aux programmes alors. Parce que l'Afrique du Sud en trois parties, trois sous parties, c'est mon plan de cours, et les instructions officielles sont claires : cette question peut faire l'objet d'une composition. A chacun de faire un cours qui tienne la route, et à chaque correcteur d'être conscient qu'une composition de géo est forcément plus brève que le même exercice en histoire, à chaque correcteur d'être lucide et de s'imaginer la capacité (et/ou l'envie) d'un élève de terminale à apprendre des séries de chiffres (sans blague?) et donc à ne pas en attendre des masses dans son devoir, à chaque correcteur de relire les programmes et de voir qu'on ne doit pas être exhaustif, et qu'on n'étudie pas l'Afrique du Sud en vue du bac comme en vue de l'agrégation, et que la question est problématisée dans le Bulletin officiel (un pays émergent), qu'elle doit donc être traitée sous cet angle. A chacun aussi de lire et de comprendre le BO qui définit l'épreuve, et d'écouter les IPR, car tous ne sont pas des abrutis finis (si, si!), qui ont dit et répété que l'esprit de la composition ne changeait pas, contrairement au programme. Et qu'à chaque chapitre peut correspondre une composition. Et vice-versa: un sujet de composition sera toujours l'intégralité d'une question. Les sujets donnés à l'étranger ne font pas référence en métropole. 

Pire encore, quand je lis que les documents n'étaient pas compréhensibles pas les élèves, parce dans le chapitre sur la  France, on n'évoque pas le libéralisme. Alors même dans l'hypothèse où l'on aurait mal traité ce chapitre, dans lequel on doit mettre en avant la remise en cause de l'Etat dans les années 1970-1980 (mondialisation, décentralisation, privatisations DU GOUVERNEMENT CHIRAC en 1986), il y a un autre chapitre sur ce même thème de la "gouvernance", la gouvernance économique mondiale depuis 1946. Et là, il est explicitement question de libéralisation, privatisation, dérèglementation, à l'initiative des Etats-Unis de Reagan et du Royaume-Uni de feue Margaret Thatcher. Les élèves, si on ne les sous-estime pas, font les liens entre les chapitres. D'autant plus que le sujet est commun aux L et aux ES : je n'ai pas vérifié, mais j'imagine qu'en économie, les élèves auront un peu étudié cet aspect... Alors qu'on ose dire que les élèves ne connaissent pas cette notion, c'est controverser pour le plaisir de controverser. 

Que le programme soit difficilement faisable en une année scolaire avec des préacquis non acquis (qu'on pense à la reconstruction de la République en 1944 et à la naissance de la Ve République, censée être étudiée en 1ère... dans le dernier chapitre : on y croit, TOUS les élèves de France, de Navarre et d'outre-mer auront étudié ces questions...), c'est une réalité. Que ce nouvel exercice, "étude critique de document", ou quel que soit le nom qu'on lui donne, soit extrêment difficile pour des élèves de terminale, c'est un fait. Mais prétendre que les sujets donnés à l'examen ne correspondent pas à ce à quoi nous sommes censés avoir préparer nos élèves - dans la limite de nos (et de leurs) moyens, c'est une contre-vérité. Il y a d'autres moyens de protester contre ces nouveaux programmes que de dénoncer le bac. 

Je ne dis pas que je détiens la solution miracle. J'ai même plus que peur du résultat des mes élèves en histoire-géo, mais au moins, en mon âme et conscience, je les ai préparés à cette épreuve. Et ils ont été les premiers à le reconnaître. 

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