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La vie ordinaire de prof en ZEP
25 juin 2013

Longues, longues semaines

Petit bilan de ces deux dernières semaines, au fil de la plume. 

Lundi 10 juin pour commencer. Mon dernière cours avec les secondes et premières de la section européenne du lycée où je n'ai qu'eux. Je leur passe la fin du film de la semaine dernière. Cette fois-ci, je ne tente pas la clé USB!!! Et avec les premières, Harry Potter, avec comme prétexte très pédagogique qu'il y a quelques scènes dans le centre historique de Londres : introduction au programme de Terminales!!! 

A mon départ à 10h30, pas de planning de surveillance dans mon casier, rien d'affiché. Tant pis, je l'aurais par mail. 

Déjeûner avec une amie, puis grosse migraine, encore. Appel au lycée: je ne suis vraiment pas en état de venir au conseil de classe des mes secondes. De toutes façons, ils vont tous passer en première, je vois pas trop l'utilité de me ruiner la santé à faire trois heures de trajet aller-retour pour passer deux heures à discuter des récompenses (compliments ou félicitations? question existentielle s'il en est, dans une classe qui a près de 13 de moyenne générale, soit trois points de plus que toutes les autres secondes du lycée). Je suis toute excusée - je l'étais déjà samedi, en fait...

Mardi. Cours l'après-midi. Je ne me sens pas beaucoup mieux, j'ai peu dormi - une fois la migraine passée, je suis toujours super en forme, c'est horrible pour le rythme biologique. Mais c'est le dernier jour de cours, et si jamais des terminales avaient des questions? J'arrive comme d'habitude pour manger avec les collègues, l'ambiance est en général sympathique, ça remonte le moral. Mais à peine une heure après, rechute. Impossible de faire cours dans mon état. Impossible de faire quoi que ce soit d'ailleurs. Je décide donc de demander l'autorisation à la chef de rentrer chez moi. Mais elle est en réunion. La secrétaire me propose alors de remplir une demande écrite, et me promets de lui faire passer le message dès qu'elle a fini. Et au moment de partir, après un crochet à la vie scolaire pour prévenir que je partais, je croise un collègue de français, qui me fait remarquer innocemment que je n'ai pas l'air très en forme : je fonds en larmes... En effet, je ne suis pas très en forme. Et là, sans que je m'y attende, il me propose de me déposer à la gare en voiture. J'avoue, je ne sais pas comment j'y serais arrivée autrement, je ne m'étais même pas posé la question... 

Mercredi, dodo. Jeudi, idem. 

Vendredi, "conseil d'enseignement". Dans les autres disciplines, le chef a imposé sa répartition des classes par professeur, en écoutant peu - voire pas?- les propositions des collègues. Il semble qu'il veuille former des équipes par classe, et non laisser chacun choisir ses classes, ou du moins faire des voeux. Mais pour le coup, il n'est pas très diplomate et plusieurs collègues en sont sortis assez remontés/démontés. Dans notre cas, il s'est contenté d'une longue énumération des horaires qu'il va falloir nous distribuer, sous la forme plus ou moins explicite d'un "débrouillez-vous entre vous". Ok, encore faudrait-il que chacun des collègues émettent des souhaits. Impossible d'arracher ses voeux à l'une des deux. Autre sujet : projets et sorties. J'annonce donc que j'ai réservé pour la rentrée une sortie avec les 1ère L, dans le cadre de la spécialité Histoire des Arts qui va ouvrir dans le lycée, au nom de la collègue de lettres qui prendra en charge cet enseignement, mais que la réservation devait être effectuée par téléphone un jour où elle avait cours. Réaction de ma collègue d'histoire "ah bon, tu prends les 1ères L à la rentrée?". Non, je n'ai jamais rien dit de tel. Certes, je l'ai envisagé un temps, quand il fallait une équipe pour monter un partenariat avec l'Opéra de Paris. Celui-ci ayant été refusé, je n'ai plus aucune raison de m'accrocher à cette classe. C'est vrai que ça m'aurait fait plaisir de travailler avec des premières : plus dégrossis que les secondes et sans l'échéance du bac, c'est une année intéressante, mais cela implique de préparer encore une fois un programme. Alors avec des heures sup, j'aime autant (façon de parler), avoir une deuxième classe de seconde, dont je maîtrise maintenant le programme, la programmation et la progression des apprentissages, qu'une première, pour laquelle tout serait à repenser. J'ai besoin d'une année un peu plus calme. 

D'autant que l'atmosphère est plutôt électrique. A la fin de cette réunion, le proviseur évoque Pronote avec ladite collègue, qui répond que le conseil d'enseignement n'est pas le lieu pour cette discussion. Comme le chef veut vraiment finir cette conversation avec elle, nous les laissons en tête à tête, et je rejoins ma collègue de lettres pour commencer à évoquer nos projets pour le cours de Littérature et Société de l'an prochain, ainsi que des TPE en 1ère ES. Quand d'un coup, le proviseur fait irruption dans sa salle en me demandant "vous avez entendu ce qu'a dit votre collègue? il a dépassé les bornes!". Non, nous n'avons rien entendu, les bâtiments pédagogique et administratif sont séparés de plus de vingt mètres, et ont chacun des murs, des portes et des fenêtres... Par la suite, j'apprends que le collègue en question est entré comme une furie dans le bureau du proviseur en l'accusant de "vouloir diviser les équipes", etc, etc, je n'ai pas tout retenu (pas tout écouté en fait, j'en ai marre du chaos ambiant). 

Heureusement, le week-end a été sympa, je suis allée - même s'il a fallu une énergie considérable et un nombre incommensurable de coups de pieds au c*** - chez des amis qui fêtaient tous deux leurs trente ans, et j'ai passé, malgré la fatigue, un moment fort sympathique, avec des gens qui ne sont pas profs, mais qui sont suffisamment intelligents pour reconnaître qu'un prof, ça bosse, et même pour certains, pour chercher à comprendre "pourquoi ça ne marche pas", "ça" étant le système éducatif. 

Puis arriva lundi, 8h10, mon téléphone sonne. Bien sûr, je ne réponds pas, je pense savoir qui est au bout du fil : le lycée qui ne m'a pas donné de planning de surveillance lundi dernier. Je rappelle quand même à dix heures, une fois sortie du lit. Là, on me dit que c'était clair pour eux. Je réponds que sans confirmation, je n'allais pas me lever à cinq heures... Bref, un malentendu sans grandes conséquences, il y a toujours deux personnes "de réserve" prévues pour les absences de dernière minute. 

L'après-midi, je suis quand même allée, malgré l'envie de vomir, au Conseil Pédagogique. L'ordre du jour était l'accompagnement personnalisé (AP pour les initiés) et la préparation de la rentrée. Mais en fait, deux tiers de la réunion ont consisté à présenter les effectifs de l'an prochain. Avec un taux de passage de 94,3%, nous avons plus d'élèves de premières qu'attendus par le rectorat en janvier, qui a fondé ses prévisions sur notre taux habituel de 80%... Nous aurons donc un certain nombre de premières relativement faibles. Donc chaque matière veut "son" heure d'AP. Et plus ça parle, plus j'ai l'impression que personne n'est d'accord sur ce qu'est ce fameux AP. Soutien pour les uns, heures pour finir le programme pour les autres, moments pour entraîner les élèves à l'oral pour les collègues de lettres - d'après moi le seul usage intelligent de l'AP proposé ce jour. Bref, des discussions interminables, et pire, qui vont être reprises telles quelles en Conseil d'Administration quand il va falloir les présenter aux parents d'élèves... Ras-le-bol. Retour chez moi à 20h, parce que sans problème de RER, l'après-midi n'aurait pas été drôle. 

Et mardi, debout à 5h. A 5h15, coup de téléphone de mon père, qui a trouvé un post-it en se levant qui demandait à ce qu'il m'appelle avant 5h30, histoire d'être sûre que je sois bien réveillée. Idem à 6h, la proviseure adjointe. Je lui ai demandé la même chose la veille. Honte sur moi, j'en suis arrivée à un tel point de fatigue que oui, j'ai osé demandé cela. Je peux donc prendre le train tranquillement à 6h30. Pas de problème sur la ligne, et il y a même un bus à l'arrivée, même pas besoin d'aller à pieds jusqu'au lycée. 

Le matin, surveillance de l'histoire. L'après-midi, physique-chimie de TS. Sauf que mon corps me lâche, je suis au bord de la crise de larmes, j'ai l'impression que je vais m'effondrer. La collègue de réserve, qui n'est pas rentrée chez elle car sa maison se fait fumigéner (heureusement pour moi!) me propose de me relayer. Je vais donc dire à la proviseure que je ne me sens pas bien, que je souhaite rentrer chez moi. Et pour le coup, je ne devais vraiment pas avoir l'air bien : elle m'a fait assoir et a demandé à une assistante d'éducation de me raccompagner en voiture à la gare... Je pense que la chaleur n'a pas aidé.. Je pense aussi que je décompresse enfin, mais trop vite, trop fort. 

Du coup, mercredi, je n'ai rien fait. J'ai juste reçue une amie que je n'avais pas vue depuis des années, et sa petite fille de quelques mois. Puis je me suis recouchée, avec de nouveau un mal de crâne pas possible... 

Jeudi, deuxième journée de surveillance. Je dois encore avoir une tête à faire peur, la chef me demande en me voyant arriver si je vais tenir le coup. Il faudra bien... Je me suis juste tordue la cheville en voulant ne pas râter le train, mais ça va aller, j'en ai vu d'autres. 

Pendant l'épreuve de maths, juste pour rire, une petite me demande de l'aide : sa calculatrice affiche 55-? quoi qu'elle fasse... C'est sûr, je suis la personne la mieux placée pour résoudre ce problème!!! je l'envoie donc dans le couloir, un collègue de maths doit s'y trouver en train de vérifier les sujets. Soit il pourra l'aider et le fera, soit non, mais ce n'est pas mon affaire. Les élèves jouent le jeu, ils essayent tous de faire quelque chose. Parce que les TSTG et les maths, c'était pas gagné d'avance. Je ne sais pas ce que vaudront leurs copies, mais plus que zéro. A priori, ils n'ont pas de points de retard avec l'histoire-géo, c'est déjà ça. 

Puis vient l'heure du déjeûner. Avec trois collègues, nous réservons un séjour aux Baléares. Nous l'avions évoqué quelques temps auparavant, un (énième) jour de pluie et de ras-le-bol, on s'était dit qu'il nous fallait des vacances pour faire un vrai break, au soleil, et sans avoir besoin de réfléchir. Du coup, ce week-end, je suis allée au Printemps avec une amie acheter un maillot de bain - j'ai jeté le dernier il y a près de cinq ans... J'en ai même trouvé deux. Certes, ajouté à un paréo, le tout m'a coûté près de la moitié du séjour, mais il faut ce qu'il faut, si je veux oser me mettre en maillot, il faut que je m'y trouve sortable dedans (parce que dire "bien", c'est du domaine de l'impossible). Bref. 

Et tout d'un coup, au milieu du repas, alors que ma collègue de lettres évoquait l'exemple d'un autre lycée, toujours à propos des querelles de répartition, la collègue d'espagnol, qu'elle fixait droit dans les yeux à ce moment comme si elle attendait d'elle en particulier une réponse alors que nous étions cinq autour de la table, lui répond de but en blanc "désolée, je ne t'ai pas écoutée, je pensais à totalement autre chose". Rien de bien méchant en soi, au mois de septembre on en aurait tous bien ri, mais là, Mme Lettres est partie en vrille. Elle est crevée, elle est coordo mais plusieurs de ses collègues mettent de la mauvaise volonté à être coordonné, elle va être chargée de l'histoire des arts mais certains collègues l'accusent de vouloir "prendre des élèves" à l'anglais renforcé en 1ère L et de vouloir "affaiblir le lycée", alors c'est la goutte d'eau. Mais Mme Espagnol n'est pas du genre à se laisser faire, et pour ne pas laisser pourrir la situation, elle lui rentre dedans. Pour ma part, je fuis les explications qui suivent. Certes, elles sont nécessaires, mais je ne suis plus en état de supporter toute cette mauvaise humeur. Je prends des calmants, ce n'est pas la meilleure des solutions, mais ça m'évite les pétages de plomb et je ne me suis pas encore tranché les veines. Je vais donc chercher les listes d'émargement avec quelques minutes d'avance, histoire de quitter ce lieu et cette atmosphère. 

Résultat : je dois avoir l'air d'un zombie, parce que la chef s'enquiert de mon état, et mon autre collègue d'espagnol propose de me suppléer. Alors il faut que je rassemble mes forces, et que je tienne le coup. Je ne vais quand même pas leur dire qu'il vaut mieux que je reste au lycée, parce que je n'ai vraiment qu'une envie, c'est me trancher les veines. Inutile de les inquiéter pour rien, ce n'est qu'une envie lancinante, comme une maladie chronique - c'est d'ailleurs un symptôme d'une maladie chronique, mais bon, quelque chose en moi m'empêche de le faire depuis près de quinze ans, il y a peu de raisons que ça change. Passons. 

Je vais donc surveiller la LV2 des TSTG. La plupart font espagnol, mais une seule fait de l'allemand, et le proviseur n'a pas le sujet, allez savoir pourquoi, il n'a pas envisagé qu'une élèves de STG pouvait étudier l'allemand.... Il faut donc expliquer à tous les autres que non, ils ne peuvent pas commencer tant que TOUS n'ont pas un sujet. En attendant, ma collègue passe dans la salle et leur rappelle qu'ils doivent tout faire, y compris l'expression - qui compte pour la moitié de la note tout de même. Oh là là, elle leur a donné des conseils!!! Je vais de ce pas la dénoncer!!! L'idée me fait sourire, ça remonte un peu le moral. Le sujet d'allemand arrive enfin, et les élèves se mettent au travail. Pour rire, je lis ce fameux sujet. Moi qui n'ai pas pratiqué l'allemand depuis plus de dix ans, je comprends presque tout du premier coup, et en tout cas l'essentiel à la deuxième lecture. Donc j'aurais un niveau B2 en allemand??? Et l'an passé, j'ai râté la certification pour enseigner en section européenne sous prétexte que je n'aurais pas eu B2 en anglais??? Là encore, cela me fait doucement sourire. Mais ça me fatigue aussi. Heureusement, l'épreuve n'est que de deux heures. 

En redescendant les copies, je croise le proviseur, qui me demande si j'ai déjeûné avec Mme Lettres et si elle va bien. A quoi je lui réponds que comme la plupart d'entre nous, elle a les nerfs à vif. Et lui, "mais il ne faut pas". Certes. C'est plus facile à dire qu'à faire, surtout quand on détient des informations qu'on ne veut/peut pas partager! 

La journée se finit sur une note plus sympathique, avec un repas entre collègues au restaurant. On ne parle plus - ou presque plus, déformation professionnelle oblige- boulot, et ça va mieux. Tout le monde prend sur soi pour que chacun passe un bon moment. 

De retour chez moi, contrairement à aujourd'hui, je m'endors comme un bébé. Mais depuis, c'est un jour sur deux. A ce rythme, ça va être difficile de récupérer....

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