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La vie ordinaire de prof en ZEP
19 mai 2013

Dure reprise

Déjà une semaine. 

Seulement une semaine. 

Cela dépend des points de vue. 

Pour ce qui est du programme de TL - ou pire, de TSTG - à finir, c'est "déjà une semaine, plus que trois!!!". Et la sempiternelle question : comment terminer le programme??? comment faire que les élèves, qui ont déjà eu du mal à apprendre les chapitres du premier trimestre sur lesquels ils ont eu interro de leçon, devoir en classe et bac blanc, ces élèves donc, apprennent en quelques jours les dernières leçons? C'est mission impossible. Sauf je ne suis pas Tom Cruise, et que le happy end n'est pas garanti. Cependant, j'avoue que la scène où tout le monde est trucidé m'est déjà passée par la tête. 

C'est l'autre versant de cette dernière période de l'année : ENCORE trois semaines de cours. Alors que les élèves, terminales inclus, en ont plus que marre - et, c'est peu dire, plus marre que nous, professeurs. Que les collègues, justement, sont à bout : entre la fatigue, l'envie de passer à autre chose, la peur de ne pas avoir assez préparé les élèves, et l'attente de vraies vacances bien méritées, l'ambiance est plutôt morose. Pas un pour soutenir l'autre. C'est dur. 

Chaque jour de cette semaine a donc pris la forme d'une étape d'un chemin de croix. 

Lundi matin, pour commencer. Dans un des établissements où je travaille, inauguration de nouveaux locaux. A première vue, c'est formidable : un Tableau Numérique Interactif (TNI pour les initiés : ordi et vidéoprojecteur couplés à un écran plus ou moins tactile, pour le développement des Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Enseignement, les fameuses TICE) dans chaque salle. Or, comme apparemment le public de petits bourgeois bien élevés de ce lycée n'est pas digne de confiance - paradoxalement, on ne s'est même pas posé la question dans ma ZEP - les ordis sont sous clés. Or, des serrures neuves, ça résiste au prof. En première heure donc, pas moyen d'ouvrir le boîtier informatique. Tant pis, je fais l'appel sur papier. En deuxième heure, gros progrès, le boîtier de la salle des premières est plus souple, je peux l'ouvrir. Mais là, pas moyen d'allumer le TNI. Abandon rapide, il faut bien que je fasse cours. Troisième heure, j'ai plus de temps, j'ai seulement besoin de faire le point avec les élèves sur les oraux de bac qu'ils ont passés avant les vacances. J'ouvre donc le boîtier, allume l'ordinateur, et là, surprise, je découvre une télécommande : il faut en fait allumer le vidéoprojecteur et pas seulement le TNI... Dans mon autre lycée, les deux s'allument en même temps. Bref, enfin l'écran de démarrage Windows qui me demande un mot de passe. Le début de la fin. Parce que là, j'ai eu beau essayer tous mes identifiants connus associés à tous mes mots de passe jamais créés, rien à faire. "Mot de passe et/ou identifiant incorrects". Tout ça pour apprendre à la fin de la matinée de l'informaticien qu'il faut un identifiant rien que pour ces ordis. Donc un pour le réseau, un pour les notes, et maintenant un pour les ordis. C'est bien connu, l'informatique simplifie la vie. 

Heureusement, pour égayer ma matinée, les terminales m'ont mis du baume au coeur. Non seulement leurs oraux se sont formidablement bien passés, ils ont été bien accueillis, mis en confiance, interrogés - à une exception près, hélas - précisément sur les thèmes que nous avions étudiés. Mais en plus, ils m'ont remerciée de la préparation que je leur avais apportée tout au long de l'année. J'avoue, ça fait plaisir. Car bien sûr, on sait que les élèves n'ont pas à reconnaître publiquement que nous faisons bien notre travail, mais quand ils le font, eh bien, il faut le dire, ça redonne confiance en soi et envie de recommencer l'année d'après. Un peu de pêche donc en ce début de semaine. 

Puis vint mardi. Cours l'après-midi, 13h-18h. C'est long. Même si la plupart des cours sont en demi-groupe. Premier motif de ras-le-bol, la protestation de principe des élèves quand je leur annonce que je rattrape mon cours du 23 avril mardi prochain. Oui, le matin, en classe entière. "Mais c'était une heure qu'on a râté". Oui, mais moi, c'est deux heures que je n'ai pas faites. Et là ils comprennent - mieux vaut tard que jamais - que lorsqu'ils ont cours en demi-groupe, le prof fait deux heures alors qu'eux n'en ont qu'une. Bon, leur mécontentement fut compensé par la bonne nouvelle du jour : je leur ai appris qu'ils n'avaient pas cours lundi. "Ah bon? pourquoi?" Ben...c'est la Pentecôte. C'est donc un jour férié, pour les élèves en tout cas - nous professeurs, on va se farcir des réunions inutiles pour rattraper cette fameuse Journée de Solidarité ; et certaines entreprises sont ouvertes ce jour là, d'où l'absence de mention sur certains calendriers. Tout s'explique! là, je vois une petite lueur dans leurs yeux. Je ne sais pas si c'est ma formidable explication de l'utilité de la journée de solidarité ou la mention d'un jour férié... je peux rêver, non? Ensuite, ils ont réalisé, et j'avoue, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, "mais du coup, Mme Français, elle prolonge son week-end!!!". Eh oui... Puis nous avons fait cours, de manière assez dynamique, et leur intérêt pour le littoral sénégalais a fait passer l'heure vite fait bien fait. Et les gros mots comme urbanisation, artificialisation, anthropisation ne leur ont même pas fait peur. Je reprends des forces. 

Puis je les use dès l'arrivée des TSTG. Accompagnés d'une surveillante et d'une sujet de devoir sur table. Quoi? Comment? Qu'est-ce donc? Ils auraient un devoir sur mon heure, encore? et surtout, sans que j'en sois informée? La surveillante est encore plus gênée que moi : "nous n'avons pas le planning des DST...". Je sais, pour le coup, elle n'y est vraiment pour rien. Mais quand je m'aperçois qu'il s'agit d'un devoir de deux heures, ça me gonfle encore plus : pourquoi sur mon cours alors qu'ils peuvent le faire de 16 à 18??? Sans doute parce que Mme Espagnole a mal lu l'emploi du temps... Honte sur elle!!! Je vais pouvoir bien la charrier... En attendant, j'annonce que non, ils ne font pas le DST sur mon heure, qu'on fait cours, et qu'ils feront leur devoir à quatre heures. Je commence donc mon cours toute contente avec une douzaine d'élèves. Puis, au compte goutte pendant cinq minutes, quasiment tous les autres arrivent. Et là je comprends la magie des SMS : ils étaient partis!!! Avec le recul, je devrais être flattée qu'ils reviennent pour mon cours alors qu'ils avaient prévu de sécher leur devoir d'espagnol, mais sur le moment, ça m'a plutôt gonflée qu'ils se permettent de choisir leurs matières. D'autant qu'avec cette classe, on travaille bien mieux à douze qu'à ving-sept... Mais je suis trop "éthique et responsable", on me dit que les élèves doivent être en cours, je les accepte. Il faut vraiment que je me repose cet été pour être suffisamment en forme l'an prochain pour être capable d'être ferme et de refuser les élèves en retard. C'est plus fort que moi : mieux vaut qu'ils manquent quelques minutes que toute une heure... 

Deux heures après, la journée s'est enfin finie, fort heureusement par un petit groupe de secondes européennes en histoire-anglais. Et la Déclaration d'indépendance américaine, allez savoir pourquoi, ça les intéresse sincèrement. 

Mercredi. TSTG en première heure, douze élèves absents, ça fait du bien. Et les quinze présents ont bien dû voir que je n'avais qu'une envie, celle de ne pas être devant eux. Coup de blues matinal. Du coup, ils ont bien travaillé - dans la limite de leurs moyens certes, mais tout de même. Cela m'a permis de prendre suffisamment sur moi pour assurer le reste de la matinée. 

Deuxième heure, les terminales européennes. Bilan de leurs oraux, comme dans l'autre lycée. Et là, ô rage, ô désespoir, ô jury ennemi, ils ont été maltraités par les examinateurs, les mêmes que ceux qui ont interrogés mes élèves de l'autre lycée. Ou en tout cas, quelle que soit la réalité, ils se sont sentis insultés et pas du tout respectés : l'une baillait tout au long de leurs exposés, l'autre se levait, se balladait dans la salle, voire est parti une ou deux fois pendant l'exposé de l'élève, tous deux dessinaient sur leurs notes, et se sont moqués de certains accents - ben oui, quand on est Indien, on parle anglais avec un accent indien, c'est comme ça...-, ont fait des remarques désobligeantes sur la liste présentée, dont l'élève n'est en aucun cas responsable.. J'en passe. Il va sans dire que cela m'a mis dans tous mes états : l'attitude du jury ne pouvant pas être liée au professeur d'histoire-géographie, c'est moi pour les deux lycées, elle ne peut être que liée soit à l'origine des élèves - lycée public de ZEP- soit, pire, à leur faciès black-blanc-beur, et blanc pauvre qui plus est... Car même si mes élèves sont un peu paranoïaques et manquent de distance, les consignes d'interrogation et les chartes éthiques des jurys sont claires : les interrogateurs doivent garder une attitude neutre et bienveillante. Là, on en est loin. Immédiatement, direction le bureau du proviseur. Il va donc se renseigner pour savoir qui sont ces gens, et demander des explications aux inspecteurs en charge de ces épreuves. Affaire à suivre donc. 

Enfin, après deux heures laborieuses de géographie de l'Asie avec les TL, retour maison. Enfin, tentative de retour maison. Parce qu'à la suite d'un accident grave de voyageur en gare de Machin-Truc, le prochain train à destination de Paris est annoncé avec un retard d'une heure environ. Rentrée vers 16h, l'après-midi fut courte. Heureusement, j'avais un but : dîner avec des amis. Thaïlandais. J'ai goûté du poisson-chat. La fatigue me laisse convaincre de faire des expériences culinaires!!! 

Jeudi, relâche. Ouf. Et presque pas de cours à préparer. J'ai donc la journée presque pour moi, ce dont j'ai bien profité, et suis allée au musée d'Orsay. L'exposition "L'Ange du bizarre" m'attendait depuis plusieurs semaines! L'occasion de piquer un fou rire avec ma soeur, face à un couple de petits vieux qui s'écharpaient au sujet d'un tableau. Et qui n'auraient jamais pu être d'accord, ils ne parlaient pas de la même chose : elle parlaient du personnage représenté, lui de la signification des symboles peints autour de ce personnage... Mais à part ça, une très belle visite, avec une scénographie agréable, qui permettait d'éviter les attroupements autour des oeuvres. 

Vendredi. Plus que deux jours! Deux heures de TL. A qui j'annonce que jusqu'à la fin de l'année, ils viendront toutes les semaines en éducation civique, et non tous les quinze jours. Râlements au fond de la classe, suivis de "mais vous êtes cons ou quoi, c'est pour qu'on finisse le programme plus tôt" devant. J'aime quand ils règlent leurs comptes à ma place. En effet, j'en ai rajouté une couche : s'ils ne veulent pas qu'on finisse le programme le 11 juin, il faut bien qu'on avance un peu plus vite. Mais rien à faire. Pourtant, je venais de leur faire un résumé de Une tête bien faite de Tony Buzan : on perd 90% de son temps dans une prise de note à écrire des mots qui ne servent pas à la mémorisation, puis 90% du temps à les relire, et en plus, ils bloquent la reconnaissance et donc l'apprentissage des mots clés. En vain, ils écrivent encore les articles devant "Japon" et "Chine". C'est vrai qu'en terminale, ils peuvent avoir un doute : c'est le ou la Chine??? On va pas aller loin... 

Dernière heure : les secondes en devoir en classe. Fiche de lecture. J'en ai marre de corriger les résumés de Wikipédia ou autres sites internet, ils font donc désormais la fiche en classe, en dépit de leurs protestations. "Madame, on n'aura pas le temps de tout résumer". Je pense qu'ils ont maintenant compris qu'un résumé, c'est quelque chose de bref, dans lequel on n'inclut pas les détails. Je n'ai pas encore regardé leurs copies, je garde ça pour lundi. Au milieu du devoir, un surveillant vient me demander de leur distribuer un papier. Ok. C'est leur emploi du temps de la semaine prochaine, avec le mercredi après-midi travaillé. Question pertinente d'une élève "madame, pourquoi on nous distribue un emploi du temps JUSTE POUR CA?". Bonne question, merci de l'avoir posée. Plusieurs hypothèses : pour détruire la forêt, pour dépenser de l'argent inutilement, ou pour vous materner, comme ça on est sûr que vous ne serez pas capable de bien vous inscrire au bac, comme cette élève de TL qui n'a pas coché LV3, ou cette autre qui n'a pas coché "Français 1ère" alors qu'elle le prépare depuis le début de l'année et qu'elle avait eu 2 ou 3 à l'oral...

Retour maison - sans problème de RER cette fois-ci. Courses, sieste et préparation du chapitre "La Chine et le monde depuis 1919". Sans préacquis des élèves, ça va être dur. Advienne que pourra. 

Samedi : plus que trois heures!!! Dont une de surveillance de devoir. Ma collègue de philo fait un devoir de quatre heures, il lui faut donc mon heure d'éducation civique. C'est d'un ennui mortel, la surveillance de devoir. Je me retiens de m'endormir. Puis une heure avec mes secondes. Ouf, c'est dynamique, le temps passe plus vite. Même quand je leur annonce une "évaluation formative" mardi. "c'est quoi madame?". En jargon de prof, ça veut dire que je veux voir si vous savez faire. Donc si vous savez faire, pas besoin de faire un contrôle. Si non, et bien on programmera un contrôle. "Ah c'est cool". Oui, je sais. Et ça dédramatise l'affaire, puisque si c'est râté, ça ne compte pas. Et pour finir, éducation civique avec les secondes. Comment on fait une loi. Exemple : la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Pas envie de parler du mariage pour tous. Malgré ce choix, petit moment de solitude du prof qui doit rester neutre : à la question, "qu'est-ce que ça fait, un gouvernement", la réponse a fusé "ben rien madame"... J'attendais qu'un gouvernement propose des projets de lois...  Puis comme ils ont finalement bien travaillé, je les lâche avec trois minutes d'avance. "Oh merci madame, c'est trop cool". Oui, je sais! Le temps qu'ils remettent les chaises sur les tables, qu'ils se fassent la bise et qu'ils atteignent le portail, il est l'heure moins quinze secondes. J'arrive à mon tour devant le lycée, ils sont tous encore là, bien vivants, au moment où ça sonne. C'est bon, je peux partir tranquille. Et eux vont avoir leur bus, ils ont trois minutes pour arriver à l'arrêt, ils en faut une et demie. 

Enfin le week-end! Et un long week-end, une fois n'est pas coutume. J'en profite pour faire la nuit des musées avec des amis. Les mystérieuses cités d'Or au Musée Guimet. J'avoue, je suis restée une grande enfant. Et vu le public, je ne suis pas la seule!!!

Et maintenant, plus que trois semaines! 

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